Changement climatique, habitat bioclimatique

En plein cœur du centre-ville de Saint-Pierre, une résidence s’est affranchie de climatisation active, préférant la solution bioclimatique et la végétation comme outils de lutte contre le réchauffement climatique.

Ilet Du Centre – Saint-Pierre – LAB Réunion

Alors que la climatisation n’a jamais été autant utilisée dans le monde, une résidence nichée en plein cœur de Saint-Pierre a choisi, elle, de s’en passer. Un défi dans une île tropicale, d’autant plus en milieu urbain.

A l’occasion de la sortie du n°40 de sa revue Info Nature et de la publication d’un article sur l’îlet du centre, la Srepen (Société réunionnais pour l’étude et la protection de la nature) a souhaité visiter la résidence, et faire le point treize ans après sa conception.

« L’objectif est de mettre l’accent sur les nouvelles constructions et sur la place de la végétation dans l’habitat, mais aussi montrer qu’il existe à la Réunion un excellent pôle de recherche dans ce domaine », indiquent Bernadette Ardon et Jean-Claude Futhazar, respectivement présidente et secrétaire de la Société Réunionnaise pour l’Etude et la Protection de l’Environnement (SREPEN).

Erigé sur une ancienne pépinière, celle de la famille Luspot, l’îlet du Centre abrite 66 logements et 315 m² de bureaux, dont ceux de Leu Réunion, le laboratoire d’écologie urbaine fondé par Michel Reynaud et Antoine Perrau, les architectes de ce projet bioclimatique.

A l’intérieur, seuls quelques brasseurs d’air permettent de tempérer la chaleur écrasante de l’extérieur. Le bâtiment « passif » a été pensé pour assurer un confort thermique sans climatiseur. Les logements et bureaux sont traversants, permettant une ventilation naturelle, et construits sur semi-pilotis pour une aération des sous-sols.

Un jardin entretenu par les locataires

Jardin de l’Ilet Du Centre à ses débuts- LAB Réunion

Matériaux isolants, protections solaires, îlots urbain ouvert, respect de la topographie du site, ouverture vers le Sud, persiennes aux varangues et fenêtres, panneaux photovoltaïques… L’architecture de la résidence est telle que la différence de température ressentie est de 5°C entre l’intérieur et l’extérieur, pouvant même atteindre les 15°C.

Une différence rendue également possible par la végétation luxuriante de l’Îlet du centre. Au milieu des immeubles s’étendent en effet 2000 m² de « jardin-forêt » tropical, où bois de senteur blanc, bois d’ortie, bois puant et autres plantes xérophiles poussent paisiblement. « Ce ne sont pas des plantes ordinaires, certaines ont été sauvées par la Srepen, d’autres par les architectes », précise Bernadette Ardon.

La SREPEN a d’ailleurs été associée au choix des espèces et l’impact du végétal sur le bâtiment étudié en collaboration avec le laboratoire PIMENT de l’université de La Réunion.

Ici, pas d’arrosage. Un impluvium récupère les eaux pluviales pour les réinjecter. Zéro déchet vert également grâce aux trois composteurs installés. Les fruits et graines sont conservés et récupérés par les pépiniéristes.

L’écrin de verdure est entretenu en gestion différenciée par les locataires eux-mêmes, une fois par mois, sur la base du volontariat. Emmanuel fait de ces mains vertes. Locataire depuis 2011, il admet n’avoir « pas vraiment cru au projet au début ». Aujourd’hui, l’homme est pleinement impliqué. « Nous nous retrouvons aussi, avec ceux qui ne viennent pas forcément jardiner, autour d’un café ou d’un pique-nique. C’est essentiel que les gens soient conscients de là où ils habitent, qu’ils voient les avantages et non les inconvénients et qu’ils fassent connaissance », estime-t-il.

« Les gens n’ont pas forcément le mode d’emploi du modèle bioclimatique. Il a fallu sensibiliser le citoyen-acheteur ou locataire », explique Michel Reynaud.

Une sensibilisation à étendre au grand public et un modèle d’habitat écologique et économique dont il faudra sans doute s’inspirer pour les futures constructions immobilières afin de « faire baisser le climat des villes et leur permettre d’être adaptées au changement climatique. ».

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Source : Le Quotidien de la Réunion – Gaëlle GUILLOU – 23 décembre 2019